Événement spécial, Vulgarisation
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NeuroStories 2020 : réponses aux questions de Thierry Chaminade

Suite au live du 23 novembre 2020, nous répondons aux questions qui n'ont pas eu le temps d'être posées. Dans cet article, Thierry Chaminade répond aux questions qui lui étaient adressées.

Temps de lecture estimé : 15 min

Le 23 novembre dernier, cinq chercheurs nous ont partagé leurs secrets sur le langage des émotions, que ce soit chez les animaux, les hommes ou les robots. Vous avez été plus de 700 à suivre ce live ! Les questions ont fusées et n’ont pas toutes pu être posées en direct. Thierry Chaminade répond ici à toutes vos questions suite à son intervention sur « Robots : tu m’aimes moi non plus ! » ! 

N’hésitez pas à visionner l’intervention de Thierry Chaminade dans la vidéo à la fin de l’article et à poser vos questions en commentaires.

Pour voir le live, c’est par ici : Playlist YouTube « NeuroStories 2020 ».

    Institut de Neurosciences de la Timone (INT, Aix Marseille Université) Thierry Chaminade | Chercheur CNRS

    Thierry Chaminade est chercheur CNRS à l’Institut de Neurosciences de la Timone (INT), où il mène plusieurs travaux de recherche s’intéressant tous à la même question : L’homme est-il un animal comme les autres ? Son expertise dans l’étude des fondements neurophysiologiques des comportements humains complexes l’a conduit à étudier l’imitation au cours de sa thèse de doctorat, ainsi que l’utilisation d’outils modernes et la fabrication d’outils préhistoriques, les interaction humain-machine et le langage, pour apporter des éléments de réponse à cette question. Dans la continuité, ses travaux actuels s’intéressent aux interactions sociales naturelles, une gageure scientifique et technique pour enregistrer et analyser l’activité cérébrale lorsqu’une personne discute avec une autre personne ou un robot. Ces travaux offrent aujourd’hui des perspectives pour améliorer la compétence sociale des robots humanoïdes.

    Les réponses aux questions

    Retrouvez dans cette section les réponses aux questions qui n'ont pas pu être posées lors du live.

    Question n°1 : Pourquoi devrait-on avoir peur du développement émotionnel des robots s'ils sont commandités par l'homme et peuvent être mis hors-service à tout moment ? Un robot muni d'une Intelligence artificielle (IA) serait-t-il capable de devenir "supérieur" à l'homme ?

    Un des objectifs de l’IA (qui porte bien son nom, Intelligence Artificielle) est de reproduire les comportements humains, son intelligence, de manière autonome.

    On en est encore loin, tout juste existe-t’il des agents conversationnels ou des agents artistes autonomes. Mais si cette intelligence artificielle autonome devient possible, alors la question de devenir « supérieur » à l’homme se posera.

    Question n°2 : Est-ce que les neurones miroirs s'activent de la même manière face aux robots ?

    Les systèmes miroirs répondent bien, mais de façon réduites, aux actions des agents artificiels en général.

    Question n°3 : Mais je croyais que l'existence des neurones miroirs n'avait jamais été montrée chez l'homme ?

    C’est une longue controverse, un peu dépassée aujourd’hui.

    On s’accorde pour dire que les systèmes miroirs existent dans un peu tous les domaines, mais pour les neurones chez l’humain, un seul à ma connaissance a été clairement identifié : pour la douleur au niveau du cortex cingulaire antérieur.

    Question n°4 : Puisque nous sommes aussi programmés par des gènes, ne sommes-nous pas contrôlés aussi finalement ?

    Les gènes programment un substrat, l’individu, qui se construit ensuite par ses interactions avec l’environnement avant même la fécondation (épigénétique).

    On ne peut donc pas dire qu’on est contrôlé. Ces effets de l’environnement sur les robots sont extrêmement laborieux à implémenter.

    Question n°5 : Si les robots n'ont pas d'états mentaux comme les humains, comment les humains peuvent-ils utiliser de manière bienveillante les technologies en informatique affective ?

    D’une part, l’informatique affective sert surtout à améliorer les relations homme-agent artificiel, il n’y a pas besoin d’état mentaux pour reconnaître ou faire un sourire !

    Question n°6 : Que pensez vous de la littérature de science fiction, notamment les travaux d'Isaac Asimov quant à la conscience et à l'intelligence des robots ?

    Les écrits d’Asimov en particulier sont assez intéressants dans leur description d’un futur possible, mais cela reste encore du domaine de la science « fiction ».

    Question n°7 : Que pensez-vous de la position de Stephen Hawking sur les risques de l'intelligence artificielle : les robots illimités dans leur développement pourraient s'émanciper et nous "détrôner" ?

    On en est loin aujourd’hui, mais il ne faut pas insulter l’avenir.

    Et donc à la question « est-il possible qu’un jour, l’artificiel dépasse le biologique ? « , nous n’avons pas de réponses actuellement.

    Question n°8 : ​Les robots peuvent reconnaître nos émotions, mais peuvent-ils les utiliser pour prendre des décisions comme nous ?

    La réponse est courte : pas encore. Mais de nombreuses équipes travaillent sur cette question, c’est l’informatique affective dont je parle au début de mon intervention.

    En effet, si l’objectif est de rendre ces agents autonomes en les dotant d’une intelligence artificielle, et que cette intelligence s’inspire de celle de l’humain, alors les émotions, qui sont particulièrement importantes dans la cognition humaine, doivent être intégrées.

    Question n°9 : Qu'en est-il du recul que peuvent avoir les enfants (dont la maturation cérébrale est en cours) par rapport à la relation émotionnelle avec des robots humanoïdes, notamment ceux qui suivent du regard ? Quelles sont les précautions à avoir dans l'utilisation de robots humanoïdes dans le secteur de l'éducation ?

    Il est intéressant de poser la question en ces termes, car il est en général considéré comme acquis que les robots sont des auxiliaires éducatifs, ou thérapeutiques, pertinents pour les enfants, sans vraiment se poser la question d’éventuelles précautions à prendre.

    Je pense que l’idée sous-jacente est qu’il s’agit d’une nouvelle technologie, qui peut faire peur. Mais comme toutes les nouvelles technologies, la télévision il y a quelques générations, l’ordinateur dans les années 1990, les smartphones aujourd’hui et, donc, la réalité virtuelle, l’intelligence artificielle et la robotique de demain, seront considérées comme tout à fait normales quand les enfants, justement, auront grandi en les côtoyant.

    Question n°10 : Est-ce que les robots sont capables de déceler les micro-expressions ?

    Bien sûr : il suffit de les doter d’algorithmes d’intelligence artificielle qui peuvent les détecter, et ces algorithmes existent.

    Question n°11 : Que pensez-vous de la peur d'Elon Musk sur le développement de l'intelligence artificielle ?

    Comme dans ma réponse à la question sur la position de Stephen Hawkins, je pense que la voie la plus raisonnable est de considérer que l’on n’a pas de réponses actuellement.

    Il faut donc rester attentif sans diaboliser un outil dont les potentiels sont encore immenses.

    Question n°12 : Les robots dotés d'intelligence artificielle peuvent-ils être utilisés dans le cadre de la recherche spatiale ?

    Sans avoir de réponse totalement experte : je suis convaincu que c’est déjà, et même largement le cas.

    Sauf qu’il ne s’agit pas de robots humanoïdes…

    Prenons comme exemple les Rovers sur Mars : il y a sûrement des éléments d’intelligence artificielle de l’époque de leur conception…

    Question n°13 : Y a-t-il un intérêt dans la tentative de recréer les mécanismes des émotions humaines à l'aide des intelligences artificielles ?

    Il y a deux niveaux de réponse à cette question.

    • Si on parle des mécanismes superficiels (reconnaître l’émotion de l’humain, produire des expressions émotionnelles) : les reproduire contribue à rendre l’interaction avec l’humain plus fluide.
    • Si on parle des mécanismes cognitifs ou biologiques sous-jacents : les reproduire permet de les étudier, de mieux les comprendre.

    Question n°14 : Est-ce que lorsqu'on intéragit avec les animaux, il y a une libération d'ocytocine par l'hypothalamus comme lorsqu'on interagit avec des humains ?

    Bien sûr que cela arrive, mais cela dépend de nombreux facteurs, en particulier la familiarité que l’on développe avec l’animal en question…

    Gagner grâce à son intelligence émotionnelle

    Voici la vidéo de l'intervention de Thierry Chaminade, n'hésitez pas à poser vos questions en commentaires.

    NeuroStories 2020 - Thierry Chaminade : Robots : tu m'aimes moi non plus !
    Emma Duboc Assistante communication
    Auteur

    Diplômée d'une Licence de biologie et d'un Master de communication scientifique, je souhaite apporter ma pierre au pont qui relie le monde secret de la science et notre société !

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