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Recherche, Vulgarisation
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Jérôme Laurin : l'exercice physique comme facteur de récupération post-AVC

Suite à son intervention dans le cadre de la Semaine du Cerveau 2021 sur l'exercice physique en situation de post-accident cardio vasculaire, nous rencontrons aujourd'hui Jérôme Laurin pour en savoir plus sur ses recherches menées au sein de l'INMED (Institut de Neurobiologie de la Méditerranée).

Temps de lecture estimé : 15 min

⚡️ Flashback : en 2018, Jérôme Laurin et Christophe Pellegrino passaient déjà sous les projecteurs de NeuroMarseille dans cet article exposant leurs recherches sur la récupération post-AVC (Accident Cardio Vasculaire) grâce à l’injection d’un hydrogel qui a la capacité de progressivement se dégrader et libérer les molécules pharmacologiques.

Aujourd’hui, Jérôme Laurin continue à explorer le lien entre pathologie, physiologie de l’exercice physique et neurosciences, toujours dans cette situation bien particulière : le post accident cardio-vasculaire. C’est dans le cadre de l’édition marseillaise de la Semaine du Cerveau 2021 que le chercheur est venu vulgariser ses recherches au public (découvrez le replay de son intervention !). NeuroMarseille continue l’enquête sur ses recherches à la croisée des disciplines à travers cet article ! Curieuses, curieux, c’est parti pour une nouvelle dose de neurosciences !

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Jérôme Laurin

Jérôme Laurin, est docteur en sciences du mouvement humain et maître de conférences Aix-Marseille Université à la faculté de sciences et techniques des activités physiques et sportives. Après avoir travaillé à l'Institut des Sciences du Mouvement Étienne-Jules MAREY (ISM), c'est à l'Institut de Neurobiologie de la Méditerranée (INMED), au sein de l'équipe "Activités précoces dans le cerveau en développement" qu'il continue ses recherches. Son travail se concentre sur l’influence de l’exercice physique sur les plasticités cérébrale et musculaire ainsi que sur la récupération des accidents vasculaires.

Découvrir ses publications

Accident vasculaire cérébral et exercice physique

AVC par-ci, AVC par-là, mais quelle est sa vraie définition ?

La Fondation Recherche Cardio-Vasculaire définie l’accident cardio vasculaire comme un arrêt brutal de la circulation sanguine au niveau du cerveau. Les AVC sont la plupart du temps dus soit à un caillot bouchant une artère à destination du cerveau et interrompant donc la circulation sanguine (AVC ischémique), soit à une rupture d’une artère du cerveau (AVC hémorragique). L’AVC est la première cause de handicap de l’adulte et la troisième cause de mortalité en France. Explorer des pistes de récupération chez les patients qui survivent à cet accident est par conséquent un grand enjeu de santé publique. 

Les répercussions physiologiques d’un AVC sont biens connues, mais les répercussions sur le cerveau des patients sont beaucoup moins étudiées. La littérature montre que le sport est un facteur de récupération post-AVC, néanmoins, les preuves de ses effets manquent de fiabilité et plus particulièrement sur les méthodes d’entraînement à privilégier.

Le constat : l’exercice physique est bénéfique pour la récupération post-AVC, mais … quel exercice physique ?

Que doit-on recommander aux patients ? Les travaux de Jérôme Laurin s’insèrent dans cette problématique.

Quels sont les effets de l'exercice physique sur la neuroplasticité ?

Au niveau neurologique, le chercheur regarde les deux hémisphères du cerveau, d’un côté l’hémisphère lésée et de l’autre l’hémisphère non-lésée (sain). Avec son équipe, Jérôme Laurin étudie l’effet de l’endurance sur les récupérations fonctionnelles de l’individu, qu’elles soient sensori-motrice ou cognitives. Il s’agit des deux aspects les plus touchés lors d’un AVC. Par exemple, au niveau sensori-moteur, on observe souvent des hémiplégies avec perte de sensibilité dites « hémiparétiques ».

Un hémicorps correspond à un des deux côté du corps (gauche ou droite). L’hémiparésie correspond à une paralysie partielle d’un hémicorps (souvent une mobilité des membres mais avec une force musculaire faible) tandis qu’une hémiplégie correspond à une paralysie plus totale.

Mesurer la neuroplasticité chez l’homme consiste à réaliser des tests cognitifs ou sanguins pour mesurer les marqueurs de neuroplasticité. Seulement, pour pouvoir pleinement vérifier la récupération fonctionnelle (senso-motrices et cognitives), les chercheurs doivent pouvoir observer la présence de neurotrophines (protéines essentielles pour la survie et la différenciation des neurones au cours du développement et impliquées dans la neurogénèse) dans les différentes zones du cerveau.

Le modèle animal reste le meilleur moyen de vérifier cette récupération. L’équipe a choisi le rat comme modèle, car il possède les mêmes neurotrophines que l’homme. De plus, à l’aide d’un protocole de lésion (simulant un AVC), les chercheurs ont pu observer le même type des pertes fonctionnelles chez l’animal que chez l’homme.

 

Au coeur du protocole expérimental

Comment induire un AVC chez le rat ?

La lésion est effectuée grâce à la méthode MCAO, pour monofilaments intraluminaux pour lésions ischémiques cérébrales. Qu’est-ce que c’est que ce charabia ? Parlons bien, parlons technique : un filament est introduit dans l’artère carotide commune et poussé le long de l’artère carotide interne: là il obstrue le départ de l’artère cérébrale moyenne (l’artère la plus touchée en cas d’AVC chez l’homme). Les sutures MCAO sont la matière première pour une modélisation réussie des accidents vasculaires cérébraux chez le rat, la souris et d’autres animaux.

Les expériences post-lésion (post-« AVC »)

Jérôme Laurin et son équipe se basent sur les mêmes paramètres que chez l’homme pour mesurer la récupération à l’exercice.

📌Première étape : les tests d’effort 

Des tests à l’effort sont réalisés à deux jours post chirurgie sur les rats lésés ainsi que sur une population contrôle. Ces tests consistent à faire courir les rats sur un tapis roulant, selon la même configuration que chez l’humain. Ce test permet de mesurer des paramètres tels que la vitesse de marche ou bien le Vo2max, ce dernier constituant un critère clinique très important. En effet, le Volume d’Oxygène Maximum (VO2max) est la quantité maximale d’oxygène que le corps consomme lors d’un effort intense par unité de temps. Il représente un excellent indicateur de la performance potentielle du sujet dans les épreuves d’endurance : plus elle est élevée, meilleure sera la performance éventuellement réalisée.
Ces tests montrent aux chercheurs la forte diminution des performances des animaux suite à la lésion et permettent de déterminer le programme sportif à réaliser suivant le « seuil limite » définit pour chaque animal.

📌Définition du programme individualisé

Le programme sportif effectué par chaque animal en fonction de ses résultats aux tests d’effort, sera soit d’intensité modéré, soit intense. La course sur tapis doit être faite de manière contrôlée pour ne pas mettre en péril la santé de l’animal, comme on le ferait chez le patient AVC. L’intérêt du programme réside dans le fait que le sport a des répercutions endogènes naturellement bénéfiques, notamment sur la neuroplasticité : on parle d’effet « multi-pilule ».

Les informations sur les performances et l’endurance des animaux récoltées dans les deux semaines après la lésion sont les plus importantes ! Il s’agit en effet d’une période de plasticité intense qui va beaucoup conditionner la récupération sur le long terme. 

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Les preuves au niveau cellulaire

📌 Étude des facteurs neurotrophiques au niveau cellulaire 

Afin de prouvrer les effets bénéfiques du sport sur le cerveau post-AVC, Jérôme et son équipe réalisent aussi des études au niveau moléculaire en étudiant des facteurs neurotrophiques, comme le BDNF ou le VEGF, ainsi que des récepteurs en lien avec la plasticité synaptique. De plus, Jérôme étudie des marqueurs énergétiques du métabolisme aérobie; notamment les marqueurs mitochondriaux, véritable usine énergétique qui vont influencer la plasticité cérébrale.

Ses études montrent jusqu’à maintenant une corrélation positive entre la neurogénèse et ces marqueurs énergétiques. Cette corrélation est d’autant plus forte que les entrainements le sont aussi. 

Et la suite ? 

Pour la suite, l’objectif est de combiner les résultats avec le fameux « gel miracle », les exercices cognitifs et les exercices physiques. Pris à part, chaque expérience a eu des effets bénéfiques sur la récupération post-lésion, mais est-ce que ces effets sont augmentés en combinant les 3 méthodes ? Est-ce que l’on observerait une inhibition ?

📌Etudes combinées

L’étude sera bientôt complétée par l’injection d’un hydrogel contenant des molécules pharmacologiques utiles à la récupération post-lésion. Mais aussi avec des exercices cognitifs, notamment de mémorisation spatiale dans le labyrinthe de Barnes.

Jérôme Laurin explique que l’exercice physique est indispensable à la récupération mais qu’il n’est pas suffisant. Le combiner à d’autres actes thérapeutiques est très intéressant dans la mesure où il peut amplifier leurs effets (particulièrement les effets des exercices cognitifs !).

Et chez l'homme ?

Chez l’homme, un facteur déterminant rentre en jeu : la motivation !

Il est plus qu’essentiel de travailler sur ces processus de récupération post-AVC, dans la mesure où cette pathologie est très fréquente – on parle de 140 000 cas par an en France – et touche des personnes vieillissantes comme des nourrissons. Mais, en plus de trouver le type d’entraînement physique le plus favorable, un point essentiel est de trouver un moyen de motiver le patient à suivre cet entraînement. Jérôme Laurin nous confie que s’intéresser à la physiologie est important mais que l’homme est un animal social. Cette fonction sociale du sport est une composante fondamentale dans le processus de récupération, pour entretenir la motivation des patients à pratiquer des entraînements sur des temps longs et parfois même tout le reste de leur vie. Le rôle de structures comme les clubs Cœur et Santé coordonnés par la Fédération de cardiologie est de mette en place des actions et un suivi sportif pour encadrer et motiver les patients à adopter une hygiène de vie pour maximiser l’effet de la rééducation et minimiser le risque de nouvel accident. Allier le plaisir à la pratique sportive : une recette de réadaptation scientifiquement prouvée !

Cette problématique de santé publique qu’est l’AVC soulève également un enjeu autour de la prévention : informer sur les facteurs qui affectent la qualité des artères comme la consommation de tabac, d’alcool ou encore des états de stress. Cette pathologie est donc à englober dans des actions plus larges de lutte contre les addictions, la malnutrition ou bien la santé mentale.

Aller plus loin

Lors du Neurobinar #7 qui s’est déroulé le 29 avril 2021, la thèse de Nicolas Hugues, doctorant sous la direction de Jérôme Laurin a pu être exposée à la communauté NeuroMarseille. Complétez le sujet en découvrant ses recherches sur les répercussions de différents programmes d’endurance post-ischémie cérébrale chez le rat jeune et vieillissant et l’effet sur la neuroplasticité de la combinaison de l’endurance avec un hydrogel implantable et dégradable dans le cerveau  ! La vidéo est en ligne !

Et pour revoir l'intervention de Jérôme Laurin pour la Semaine du Cerveau, c'est par ici !

Conférence de Jérôme Laurin (Maître de conférence, Aix-Marseille Université, Marseille) dans le cadre de la Semaine du Cerveau 2021 Marseille, le 9 mars 2021.
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