Angélique Roquet, lauréate du prix de thèse Aix-Marseille Université 2020
Angélique Roquet, ancienne étudiante du PhD Programme de NeuroSchool, a reçu le prix de thèse Aix Marseille Université 2020 pour son travail sur les mécanismes cognitifs impliqués dans la comparaison de numérosités dans une perspective lifespan.
Angélique Roquet, ancienne étudiante du programme doctoral de NeuroSchool, a reçu le prix de thèse Aix-Marseille Université 2020 pour son travail sur les mécanismes cognitifs impliqués dans la comparaison de numérosités grâce à des études développementales. Angélique possède un parcours pluridisciplinaire, axé autour d’une thématique qui la passionne : le vieillissement. Nous vous emmenons à la découverte de son parcours et tout particulièrement sa thèse réalisée sous la direction de Patrick Lemaire au Laboratoire de Psychologie Cognitive (LPC).
Angélique Roquet est titulaire d'un Master 1 Ethologie, Comportement animal et humain (Université de Rennes 1, France) et d'un Master 2 Neurosciences intégrées, cognitives et comportementales (NICC) à NeuroSchool. Elle a validé son master grâce à son stage de fin d'études effectué au Laboratoire de Psychologie Cognitive (LPC) sur le sujet du vieillissement à travers des études en MEG (magnétaencéphalographie). Passionée par cette thématique, elle continue de l'explorer pendant sa thèse intitulée "Mécanismes cognitifs impliqués dans la comparaison de numérosités : études développementales", effectuée au LPC sous la direction de Patrick Lemaire.
Après un poste d'ATER (Attachée Temporaire d’Enseignement et de Recherche) à Aix-Marseille Université, elle effectue maintenant son post-doctorat, toujours sur la thématique du vieillissement à l'université de Lausanne (UNIL), dans l'institut de psychologie.
N'existe-t-il pas de mécanismes cognitifs autres que perceptifs impliqués dans l'estimation des numérosités ?
Son stage de Master 2 au LPC lui a permis de développer son intérêt pour les sciences comportementales et c’est dans cette optique qu’elle a poursuivi en thèse, toujours auprès du professeur Patrick Lemaire (LPC).
Sa thèse s’intitule : “Mécanismes cognitifs impliqués dans la comparaison de numérosités : Études développementales”. La spécialité de son directeur de thèse est le travail sur les mathématiques, d’un degré assez complexe. Avec sa volonté de travailler sur le vieillissement normal et pathologique, elle a proposé de travailler sur la perception des numérosités.
Avant d’aller plus loin, une petite définition s’impose !
Qu’est-ce que la numérosité ?
Le concept de nombre recouvre des contenus assez divers. Notre éducation nous a habitués aux symboles numériques : les nombres écrits en base 10 à l’aide des chiffres arabes, tels que « 1053 », ou exprimés à l’aide de noms de nombres tels que « mille cinquante trois ». Cependant, la psychologie cognitive montre l’importance, de la perception non-symbolique du nombre, où la quantité 13 peut être présentée sous la forme concrète d’un nuage de 13 points ou d’une séquence de 13 sons. Le nombre est ici considéré comme la propriété d’un ensemble, à laquelle on réfère souvent par les termes techniques de numérosité. En savoir plus…
L’objectif de cette thèse était de comprendre les mécanismes cognitifs engagés lorsque nous comparons des numérosités.
Elle s’est intéressée aux mécanismes cognitifs numériques, spécifiques, perceptifs et généraux. Tous ces mécanismes sont impliqués dans des tâches de comparaison de numérosités qu’elle a étudié de l’enfance jusqu’au vieillissement normal, mais aussi au cours du vieillissement pathologique chez des patients atteints de la maladie d’Alzheimer.
Avec son directeur de thèse, Angélique décide de répondre à son hypothèse en réalisant une étude Life-span.
Une étude Life-span
Ce genre d’études psychologiques cherche à comprendre comment les processus mentaux, les comportements et les performances des individus évoluent au cours de l’enfance et de la vie adulte.
Pour se lancer dans cette aventure, Angélique a du créer une expérience inédite, aussi appelée « tâche ». Elle est représentée sur l’image ci-dessous :
Il y a deux collections de points présentées à l’écran. Les participants doivent dire quelle collection présente le plus de points, et doivent répondre le plus rapidement possible.
Pour cette expérience de psychologie cognitive l’important est de créer des « conflits ». Ces conflits sont des situations où se trouvent des pièges perceptifs, qui se basent sur des paramètres visuels trompeurs.
Angélique Roquet compare ensuite ces situations de conflits avec des situations plus intuitives. L’exemple d’une situation intuitive : une collection où beaucoup de points occupent beaucoup d’espace.
Différentes collections de points
(A) est un élément congruent dans lequel la coque convexe et la numérotation (nombre de points) concordent. C'est-à-dire que la collection de gauche contient 18 points présentés avec une coque convexe plus petite, et la collection de droite comprend 24 points présentés avec une coque convexe plus grande.
(B) est un élément incongru dans lequel la coque convexe et la numérotation (nombre de points) ne concordent pas. C'est-à-dire que la collection de gauche contient 18 points présentés avec une coque convexe plus grande, et la collection de droite comprend 24 points présentés avec une coque convexe plus petite.
Après avoir menée quelques études pilotes, pour s’assurer que sa « tâche » fonctionnait bien, elle a pu travailler sur ces 4 types de publics : enfants, adultes, adultes âgés sains et patients Alzheimer.
Pour compléter son étude, elle a rendu le test accessible sur internet pour réaliser une étude « Big Data » : 1200 participants de tout âge !
Travailler avec des patients Alzheimer
Angélique a toujours été sensible au sujet de la vieillesse, dans la mesure où elle a le sentiment que les personnes âgés représentent une catégorie de la population souvent oubliée. Dans sa thèse, elle a étudié une population représentative d’une forme de vieillesse pathologique : des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Dans cette optique, elle a développé une collaboration académique avec le neurologue Bernard Michel, Chef du Service de Neurologie Comportementale (SNC) de l’hôpital Sainte Marguerite.
L’étude des patients Alzheimer a nécessité des stratégies d’adaptation. En effet les tests se déroulent sur l’ordinateur, par conséquent Angélique a créé des joysticks pour faciliter l’exercice aux patients. Malgré cela, un petit groupe n’avait pas toujours la possibilité de réaliser le test en autonomie. Angélique a par conséquent ajouté une variable “aide” à son expérience, pour interpréter correctement ses données.
Choisir les participants
Définir le degré de compréhension des patients Alzheimer n’est pas aisé. Il est possible de se référer au stade qu’a atteint la maladie et qui correspond au degré de dégradation de l’hippocampe du patient.
“En très simplifié, plus on observe de « trous de gruyère » dans l’hippocampe, plus le stade de la maladie est avancé ».
Mais en pratique, des catégories entre patients étaient beaucoup plus complexes à établir. En effet, certains patients à un stade avancé avaient une aptitude de compréhension adaptée à l’expérience, alors que certains patients à un stade peu avancé montraient une capacité de compréhension trop altérée pour réaliser le test. Bien que standardisés grâce aux test neuropsychologiques réalisés à l’hôpital, ses résultats comportent de ce fait une importante variabilité inter-patients.
Sur ses 3 ans de thèse, elle a fait passer plus de 120 tests aux patients Alzheimer. Elle nous confie que ses compétences en neurosciences l’ont aidé pour travailler sur cette population, notamment à travers l’échange avec les médecins ou l’interprétation des examens de type IRM. Mais ce sont ses compétences relationnelles lui ont permis de développer un climat de confiance avec les patients, participant à la réussite du test.
Alors comment estime-t-on les numérosités ?
Les données recueillies lors de son travail de thèse montrent que l’estimation des numérosités s’appuie sur une combinaison de mécanismes ! Et notamment des mécanismes stratégiques : les participants utilisaient plusieurs stratégies en s’appuyant sur les caractéristiques physiques des collections de points.
Ensuite, elle a pu montré que l’estimation des numérosités était altérée par la maladie d’Alzheimer, et que l’origine de ce déclin pourrait provenir d’un déficit des « mécanismes spécifiques », plutôt que des « mécanismes cognitifs généraux ».
Les résultats présentés dans la thèse d’Angélique permettent de préciser l’implication des mécanismes cognitifs dans l’estimation de numérosités, mais également leurs évolutions au cours du développement et du vieillissement normal et pathologique, grâce à l’étude Life-span.
Ce qu’elle retient tout particulièrement c’est le caractère inné de notre perception des quantités.
En effet, les autres animaux possèdent aussi ce caractère. Des prédateurs vont plutôt attaquer un animal solitaire qu’une grande horde. Chez les patients Alzheimer, même à des stades de dégradation du cerveau très avancés, il reste des traces de ce caractère inné !
Et après ?
Après un poste d’ATER (Attachée Temporaire d’Enseignement et de Recherche) à Aix-Marseille Université, elle effectue maintenant son post-doctorat à l’université de Lausanne (UNIL), dans l’institut de psychologie. Ses recherches visent à étudier les facteurs sociaux qui influencent les comportements des personnes âgées vers un vieillissement réussi. Plus précisément, pourquoi certaines personnes vieillissent mieux que d’autres et par quels facteurs ?
Dans son parcours, elle a toujours voulu travailler autour du vieillissement et elle l’a fait avec des outils différents en fonction de ses expériences : tantôt neuroscientifiques, tantôt des outils de psychologie comportementale et cognitive.
Elle souhaite continuer dans cette voie et voir la recherche évoluer vers plus de collaborations interdisciplinaires, car pour elle :