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20 minutes de chant chaque matin : une recette magique ? – Aline Frey, Prix Jeune Chercheur 2020

Le 16 février dernier, la chercheuse Aline Frey (LNC) a reçu le prix départemental "Jeune Chercheur" de la recherche en Provence pour ses travaux sur l’influence de la pratique du chant choral sur le développement des fonctions cognitives, et sur les apprentissages scolaires fondamentaux.

Avis aux curieux ! Partons à la découverte des travaux d’Aline Frey, membre de l’équipe « Musique, Langage, Ecriture » (MULAW) du Laboratoire de Neurosciences Cognitives (LNC) !

Aline Frey est l’heureuse lauréate du « Prix Jeune chercheur 2020 ». Ces prix départementaux de la Recherche en Provence récompensent des chercheurs, jeunes chercheurs, collaborateurs et équipes de recherche qui se sont distingués récemment par l’originalité de leurs travaux ou l’impact de ceux-ci sur la société civile et l’économie provençale, nationale et internationale.

C’est l’occasion de vous parler des études d’Aline Frey sur l’influence de la pratique musicale et plus particulièrement du chant choral sur le développement des fonctions cognitives, et sur les apprentissages scolaires fondamentaux. Mais avant cela, une petite présentation s’impose.

Aline Frey

Aline Frey réalise une thèse intitulée "Traitement perceptif et cognitif de l'information auditive et musicale : segmentation des flux et figures sonores" au sein du Laboratoire Cognitions Humaine et Artificielle (CHArt, Paris).
Après un poste de maître de conférences à l'INSPE (L'Institut National Supérieur du Professorat et de l'Éducation) de l'Université Paris-Est Créteil, elle obtient un poste de maître de conférences en psychologie de l'apprentissage à l'INSPE d'Aix-Marseille Université.
Elle intègre ainsi l'équipe "Musique, Langage, Ecriture" (MULAW) du Laboratoire de Neurosciences Cognitives, qui explore la manière dont la musique et l'écriture contribuent à l'apprentissage du langage. 

Ses publications

Pratique musicale et apprentissage du langage

Les recherches d’Aline Frey et de son équipe « Musique, Langage et Ecriture » au Laboratoire de Neurosciences Cognitives portent sur l’influence de la pratique musicale sur des capacités d’apprentissage, et plus spécifiquement sur des capacités cognitives générales (mémoire, attention auditive, etc.) et langagières. Les chercheurs parlent de transfert d’apprentissage entre la musique et le langage :

En quoi la pratique d’une activité musicale peut-elle indirectement améliorer les capacités langagières ou de compréhension ?

En se focalisant sur le chant choral, Aline Frey souhaite mettre en lumière les effets cognitifs et comportementaux de cette pratique quotidienne. Son hypothèse se fonde sur différents points communs dont :

  • La prosodie (en musique, la prosodie correspond à l’ensemble des règles concernant les rapports de quantité, d’intensité, d’accentuation entre la musique et les paroles) du chant comme du langage
  • Le rythme
  • L’organisation des mots et des notes de musique
  • Certains réseaux cérébraux sont partagés entre les stimuli auditifs liés à la parole et au chant 

Il suffirait donc de tester un groupe expérimental qui pratique la musique ou le chant et un groupe témoin qui ne pratique pas la musique ou le chant pour voir l’impact de leur pratique sur les capacités langagières. Facile … ou pas !

Toutes choses étant égales par ailleurs.

Tout chercheur s’applique à établir les mêmes conditions d’expérience pour leurs groupes expérimentaux et leurs groupes témoins. Cependant, plusieurs autres variables (différences entre les individus des groupes expérimentaux et témoins) peuvent venir « se confondre » avec la variable étudiée dans l’expérience (ici, l’impact de la pratique du chant choral). Cela complique la démonstration d’une causalité entre les conditions de l’expérience et la variable étudiée, c’est-à-dire savoir ce qui est directement lié à la pratique musicale ou non. Dans ces variables dites « confondues », on retrouve notamment les prédispositions génétiques, un environnement social favorable, des effets de motivation entre groupes expérimentaux et groupes témoins, etc.

Aline Frey, nous expose ses solutions pour établir la causalité dans son étude :

  • Étudier des groupes d’individus non musiciens pour observer correctement  une amélioration des compétences.
  • Effectuer des études longitudinales, dans le temps, pour tester l’impact de la pratique musicale sur l’évolution des capacités à partir d’un instant t.
  • Effectuer une comparaison avec un groupe témoin qui exerce une activité aussi stimulante que la pratique du chant, ou de la musique, pour éviter les biais liés aux effets motivationnels.

Chanter au quotidien, mais pourquoi ?

Aline Frey travaille sur un projet issu de la société civile : réaliser une étude sur la pratique quotidienne du chant choral à l’école.

L’ensemble Musicatreize, centre national d’art vocal, a monté un projet expérimental nommé « Chanter au quotidien ». Le but ? Une session quotidienne de 20 minutes de chant choral auprès d’élèves de l’école primaire Saint-Mitre (13013 Marseille) menée avec une intervenante professionnelle, Laetitia Volcey. Afin d’appuyer les résultats et les effets de cet atelier sur les enfants, Musicatreize s’est allié au Laboratoire de Neurosciences Cognitives (LNC) pour réaliser une étude sur cette pratique quotidienne du chant choral à l’école.

Aline Frey : « Roland Hayrabedian [créateur et directeur de Musicatreize] nous a contactés, en accord avec les équipes enseignantes, pour objectiver scientifiquement les effets de ces sessions de chant choral périodiques. »

"Chanter au quotidien"

Pour appuyer cette expérimentation, Aline Frey et l’équipe « Musique, Langage, Écriture » se proposent d’étudier les effets de cette pratique sur l’apprentissage et le développement des enfants lors d’une étude comparative. Pour comparer, il faut créer un groupe témoin qui effectue une activité stimulante pour éviter les biais motivationnels. Le projet s’élargit donc avec un autre atelier artistique, encadré par La Marelle, association qui se donne pour objectif de concevoir et organiser des rencontres publiques avec des écrivains. Dans les mêmes conditions que les ateliers de chant choral, Laura Vazquez (La Marelle) travaille au quotidien, sur des sessions de vingt minutes d’écriture créative. Avec les élèves, elle travaille à mettre en marche l’imagination, la stimuler et s’amuser avec l’écriture.

Les groupes expérimentaux et témoins sont formés ! C’est parti !

Depuis septembre 2020, les études pilotes ont commencé sur 7 classes de l’école Sainte-Mitre : 3 CE1, 2 CM1, 2 CM2, avec, à chaque fois, une classe en atelier choral et une classe en atelier d’écriture créative (et une classe de CE1 « témoin » qui ne participe ni à l’atelier chant ni à l’atelier écriture).

« Des évaluations ont été faites sur les élèves en début d’année et d’autres seront effectuées à la fin de l’année scolaire. Cela permettra de déterminer de manière précise l’apport de ces ateliers sur l’enfant. »

Les enfants passent 2h30 de tests psychologiques, présentés sous forme de jeux, qui vont permettent d’estimer leurs capacités langagières et de compréhension, avant l’atelier chant choral ou écriture créative. Ces tests explorent le verbal, le non-verbal ainsi que les aptitudes de musicalité, de rythme. Un exemple ? Le test des similitudes, où deux mots sont donnés à l’enfant. Celui-ci doit trouver le point commun entre ces deux mots.

Une étude pilote

Cette étude pilote a pour but de mettre en avant des phénomènes de plasticité cérébrale, grâce à un projet de recherche appliqué.

L’ensemble des modifications de la structure même du cerveau ( fabrication de nouvelles connexions entre les neurones), qui dépendent de l’apprentissage et de l’expérience, constituent la « plasticité » cérébrale.

Pour cette expérience, les sujets choisis sont des élèves de l’école primaire. Plus un sujet est jeune, plus il présentera une plasticité cérébrale forte. 

Aline Frey et son équipe émettent l’hypothèse que le chant choral peut améliorer les capacités cognitives (concentration et attention) et langagières des enfants. Il s’agit d’une pratique de groupe nécessitant des capacités d’attention auditive et de perception partagées entre la cheffe de chœur et les autres élèves. À l’inverse, on émet l’hypothèse que les enfants suivant l’atelier d’écriture créative auront plutôt tendance à développer des capacités de création et de motricité fine (tenir un crayon).

Il faudra attendre la fin de l’année scolaire pour faire passer aux élèves les mêmes tests (que ceux passés en début d’année) et percevoir de potentielles améliorations de capacités langagières ou de concentration du groupe ayant pratiqué le chant choral par rapport au groupe ayant pratiqué l’atelier d’écriture créative.

Une recherche appliquée nécessaire

Les associations, enseignants et chercheurs de l’équipe « Musique, Langage et Écriture » espèrent voir ce projet perdurer. Il s’agirait de suivre de jeunes élèves sur plusieurs années, de manière à percevoir leur évolution à plus large échelle temporelle. Une piste d’amélioration serait de mieux décrire l’environnement social des élèves des groupes expérimentaux et témoins afin d’éviter le plus de biais possible. Aline Frey souhaite également corréler une analyse fonctionnelle (grâce notamment à de l’EEG) et des test cognitifs pour montrer les évolutions plastiques des structures cérébrales.

Bravo à Aline Frey et son équipe pour ce projet de recherche en lien direct avec la demande sociétale. Son poste de maître de conférences à l’INSPE d’Aix-Marseille Université l’amène à former les enseignants de demain, à se poser des questions de terrain et à créer un échange avec la communauté scientifique.

Envie d'un petit résumé ? Visionnez la vidéo pour rencontrer Aline Frey !

Prix Départemental pour la Recherche en Provence 2020 / Lauréate du Prix Jeune Chercheur : Aline Frey
Emma Duboc Stagiaire Communication
Auteur

Diplômée d'une Licence de biologie et d'un Master de communication scientifique, je souhaite apporter ma pierre au pont qui relie le monde secret de la science et notre société !

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