NeuroStories 2021 : réponses aux questions

La découverte de sens méconnus du corps humain lors de l’événement NeuroStories 2021 du 25 novembre 2021, intitulé « Au-delà des cinq sens« , a piqué la curiosité du public sur place et en ligne. Chaque présentation de nos intervenants Felipe Pegado, Valérie Jessica Laporte, Henry Evrard, Edith Ribot-Ciscar et Aziz Moqrich, a suscité de nombreuses questions. Certaines ont pu être répondues à la fin de la présentation, mais d’autres sont restées sans réponse, malgré leur intérêt.

Dans cet article, retrouvez le replay des interventions de nos conférenciers, ainsi que leurs réponses aux questions non résolues.

Questions:

Q: Le type d’entraînement que vous étudiez, pour améliorer l’apprentissage de la lecture, est il déjà utilisé par les orthophonistes ? (méthode ciblée de l’éducation)

• Non, c’est une nouvelle méthode, ciblée sur cette difficulté visuelle spécifique (la « confusion du miroir » pour les lettres). Peut-être deviendra-t-elle une pratique courante dans les années à venir, dans les écoles ou chez les orthophonistes, mais nous n’en sommes pas encore là. Cette méthode a été construite à partir de mon modèle hypothétique d' »aide mutuelle » entre différents systèmes sensorimoteurs. Ce modèle peut être consulté sur wikipedia. Une description de la méthode peut être trouvée dans notre publication originale, ou de manière un peu plus détaillée dans une nouvelle publication (toutes deux en accès libre).

Q: Que penser des lunettes pour dyslexiques (ex : Atol) ? Cela fonctionne-t-il ? Est-ce fondé scientifiquement ?

• En dehors de commentaires anecdotiques qu’on peut trouver sur internet, je ne suis pas au courant des recherches cliniques évaluant cet outil.

Questions:

Q: Ta perception de la musique, associée à des représentations géométriques, est-elle une forme de synesthésie ?

• Oui. Par contre, ce n’est pas une forme de synesthésie très impressionnante, contrairement à certaines personnes qui mentionnent voir presque des œuvres d’art naitre de la musique. Lorsque je vis une émotion particulièrement joyeuse ou un soulagement, les couleurs deviennent tout à coup excessivement saturées. C’est un peu le même principe.

Q: Comment parvenir à avoir une vie de famille dans ta situation ? Au niveau des relations de couples, de la grossesse, de l’accouchement, des soins aux bébés…?

• L’accouchement, le premier du moins, a causé un choc post-traumatique. Je n’ai pas eu le bon accompagnement. En même temps, si j’avais demandé ce dont j’avais besoin, j’aurais eu peur d’avoir les services sociaux sur le dos. J’ai donc préféré me débrouiller seule, ce qui au premier enfant, ne s’est pas très bien passé. L’enfant n’a manqué de rien mais mon état psychologique et mon état physiques se sont dégradés. Par contre, les trois grossesses sont des traumatismes. Le corps envahi, ça a été très difficile. Il est difficile de trouver un équilibre. Je tentais de suivre le livre d’instructions des bébés à la perfection. C’était obsessionnel.
  Je crois qu’un accompagnement sans jugement et sans pression aurait pu aider.
  Aux deux autres enfants, j’avais un conjoint et l’équilibre entre nous deux a été la solution. Nous sommes de tempéraments opposés, donc nous nous complétons à merveille. Les forces de l’un sont les défis de l’autre. Il faut comprendre que l’adaptation que je dois faire, dans mon milieu de vie, dans mes manières de fonctionner, est très différent des autres, mes besoins sont différents. Quand j’ai su comprendre et répondre à mes besoins, tout s’est placé.

Questions:

• Malheureusement, en raison de ses importantes missions à Shangaï, M. Henry Evrard n’a pas pu être disponible pour répondre à nos questions.

Questions:

Q: Concernant les personnes ayant des atteintes liées à leur proprioception; leurs récepteurs à la pression sont ils fonctionnels et si oui, peuvent-ils représenter une forme de feedback dans ce cas ? (pression des pieds sur le sol par exemple)

• Les personnes qui sont privées de proprioception le doivent à une atteinte des fibres nerveuses sensorielles de grand diamètre (fibres afférentes Ab). C’est également ce type de fibres qui véhicule l’information des récepteurs tactiles et notamment de pression. Donc cette information de pression cutanée plantaire n’est plus transmise dans de cette pathologie au même titre que les informations provenant des récepteurs musculaires (fuseaux neuromusculaires).

Q: Comment explique-t-on les sensations de membres fantômes chez les personnes concernées?

• Les sensations de membres fantômes sont dues au maintien d’une représentation corticale du membre amputé. Cette persistance de sensations du membre disparu engendre très souvent des douleurs fantômes dont l’origine est encore débattue mais il semblerait que la disparition des connexions sensorielles et motrices joue un rôle déterminant dans leur genèse et maintien.

Q: La proprioception permet-elle d’expliquer que la musique peut être à l’origine d’émotions chez les personnes privées d’audition?

• Je ne savais pas que les personnes privées d’audition pouvaient être sensibles à la musique. Si tel est le cas, je proposerais que cela est lié à la grande sensibilité des récepteurs musculaires et des récepteurs cutanés (notamment les récepteurs de Pacini) aux vibrations mécaniques. La musique, en faisant vibrer le squelette, est une source d’excitation qui est transmise au cerveau et ceci peut engendrer des sensations telle que des sensations de plaisir.

Questions:

Q: Y a t-il un rapport entre la proprioception et les récepteurs TRPV1 ?

• Non aucune relation entre TRPV1 et la proprioception. TRPV1 est exprimé uniquement dans les neurones nociceptifs. Chez la souris, l’inactivation de TRPV1 n’a aucun effet sur la proprioception.

Q: Si nous possédons tous des nocicepteurs, pourquoi certaines personnes “résistent mieux” à la douleur ? Y aurait-il des nocicepteurs plus efficaces que d’autres ? Ou moins ? Cela se passe-t-il à un autre niveau ?

• La différence de tolérance à la douleur peut avoir plusieurs origines : physiologique, culturelle et dans certains cas elle peut être liée au sexe.
  Pour l’aspect physiologique: oui il se peut qu’il y ait des personnes qui résistent mieux à des stimulations douloureuses à cause de modifications génétiques ou épigénétiques provoquant une augmentation du seuil d’activation de leurs nocicepteurs. Exemple de personnes ayant une mutation entrainant une diminution de la fonction du canal Nav 1.7 ; canal ionique responsable de la genèse des potentiels d’actions dans les nocicepteurs. Il y a des tas d’autres exemples.Pour l’aspect culturelle, la perception de la douleur dépend du vécu, de la situation sociale, de croyance…. Rappelons-nous de la définition de la douleur selon l’association international de l’étude la douleur : la douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite en termes de cette lésion. Le terme ‘’émotionnelle’’ est à méditer.Pour l’aspect douleur et sexe, il y a clairement une prévalence de la douleur chronique chez les femmes que chez les hommes. Par exemple, 80% de patients atteints de fibromyalgie sont des femmes. Il en est de même pour les migraines et bien d’autres conditions de douleurs. Est-ce que cela veut dire que les femmes sont plus sensibles à la douleur que les hommes ? La réponse n’est pas tout à fait claire. Le seuil de douleur est plus bas chez les femmes mais les femmes semblent mieux tolérer la douleur que les hommes. Notre compréhension des mécanismes qui sous-tendent la douleur en fonction du sexe a longuement souffert du fait que 90% des études chez l’animal ont été effectués chez les mâles. Depuis une dizaines d’années, il est devenu obligatoire d’inclure les mâles et les femelles dans toutes les études de la douleur.

Q: La transmission de la douleur, dans le trajet de l’information depuis le toucher jusqu’au cerveau, peut-elle être impliquée dans la fibromyalgie ?

• Tout à fait. Bien qu’on ne connaisse pas encore l’origine de cette pathologie extrêmement handicapante, quand vous avez des douleurs qui apparaissent sans qu’il y ait de lésions ou autre traumas, c’est que la voie de transmission de l’information sensorielle vers le cerveau est affectée. Il y a une théorie décrite en 1965, et qui reste valide à ce jour, qui stipule que lorsqu’une stimulation tactile est perçue comme douloureuse, c’est que la porte de la voie de la douleur a été ouverte. L’ouverture de cette porte se fait au niveau au niveau de la moelle épinière qi est le premier centre intégrateur de toutes les informations sensorielles qui émanent de l’environnement (externe ou interne).

Les NeuroStories de NeuroMarseille sont l’événement public phare de notre institut, nous sommes très heureux et fiers de pouvoir le présenter chaque année. Grâce à votre curiosité, les NeuroStories de 2021 continueront à vivre et à apporter plus de lumière à notre communauté et au-delà !

Pour revoir l’intégralité de l’événement et les réponses en direct de nos intervenants pendant l’événement, vous pouvez regarder la vidéo ci-dessous et aller à 1:47:37, ou accéder directement à ce moment de la vidéo sur notre chaîne Youtube.

Nous tenons à remercier encore une fois tous nos intervenants, notre public et les membres de l’organisation pour ce grand succès, et espérons vous revoir l’année prochaine !